« L’alcoolisme est une maladie, pas une faiblesse

 « L’alcoolisme est une maladie, pas une faiblesse

Prise dans la spirale infernale de la vie avec un conjoint alcoolique,Fabienne témoigne. Des moments de tension, de découragement, de honte… sans jamais renoncer.

Témoignage

« J’ai rencontré Francis en 1980. Nous nous sommes mariés en 1981. Il y avait déjà de l’alcool mais je pensais que c’était festif vu son tempérament enjoué », commence Fabienne avec confiance. Petit à petit, l’alcool s’est immiscé dans leur vie. « Je le voyais rentrer le soir, fatigué,énervé. Au fil des années ça s’amplifiait. Les bouteilles du bar diminuaient. » La discussion est impossible, son mari est dans le déni. « J’avais honte, mais jamais je n’ai songé à partir »

Fabienne le souligne à plusieurs reprises : « L’alcoolisme est une maladie, pas une faiblesse. » Derrière celle-ci, se cachait une double personnalité. « Il y avait l’alcoolique, qui met des scénarios en place pour cacher ses bouteilles et sa maladie, et la personne sobre, agréable et drôle avec les gens. Il jouait beaucoup avec nos deux garçons. Ça me réconfortait de le voir ainsi. » Ces moments-là, Fabienne aurait voulu qu’ils s’éternisent, mais l’alcool revenait en traître. « Je prenais sur moi. Je leur disais : papa est fatigué… Mais jamais je n’ai dit qu’il avait trop bu. »

Durant de nombreuses années, Fabienne a travaillé, élevé ses trois enfants, seule. Francis a perdu son travail plusieurs fois. « Je ne pouvais pas compter sur lui. J’avais honte d’en parler autour de moi. J’ai souvent dit : j’en ai marre. Mais jamais je n’ai songé à partir. Les enfants n’auraient pas compris, ils aimaient trop leur père », confie-t-elle, émue.

« Une violence psychique »

Socialement, le couple s’est isolé. « Combien de soirées gâchées en famille, d’amis éloignés, d’humiliations. À chaque sortie, j’avais la boule au ventre. » Fabienne pointe du doigt une « violence psychique, traumatisante ».

En 2006, après des soucis de travail, et encouragé par son médecin, Francis décide d’entamer une cure de quatre semaines au Crisalid, service d’addictologie du CHD de Luçon. Fabienne se réjouit du déclic : « Il devait le décider lui-même. » Mais elle s’interroge sur l’homme qu’elle va retrouver. « Derrière cette double facette, je ne savais pas quel homme il était vraiment. Allait-il être différent ? S’énerverait-il à nouveau ? »

Durant cette période, elle s’implique avec les soignants et même si elle n’obtient pas le soutien escompté, elle apprend à connaître la maladie. Elle rejoint ensuite l’association : « Franchir le pas », dès sa création en 2007, à Saint-Julien-des-Landes.

Mettre des mots sur la maladie

 » L’association me fait du bien, j’ai besoin de parler. J’ai envie d’apporter mon témoignage et mon soutien, II ne faut pas se décourager, si on tient, c’est qu’il y a de l’amour. » Aujourd’hui, Francis est abstinent. Fabienne reste cependant prudente : « Il y a cette épée de Damoclès… Le doute est là mais il s’atténue au fil du temps. »

 (1 ) Franchir le pas est une association de Saint-Julien-des-Landes. Son président est Patrice Prouteau. Chaque dernier vendredi du mois, elle se réunit à 20 h, à la salle polyvalente. Elle vient en aide aux personnes qui veulent en finir avec l’alcool, aux maladesabstinents et à l’entourage qui a besoin de se confier et d’être cornpris . »Aide, écoute, partage, respect » sont les maîtres mots de cette association.

Contact : Patrice Prouteau 06 29 55 79 24

Cet article est paru dans Ouest-France, 6 décembre 2019