Dépendance à l’alcool : le Baclofène à l’épreuve

Une nouvelle étude vient d’être lancée afin d’évaluer l’efficacité et l’inocuité du médicament dans le sevrage de l’alcoolo-dépendance.

Commercialisé à l’origine comme re­laxant musculaire, le baclofène voit de­puis quelques années exploser son uti­lisation dans le traitement du sevrage de l’alcoolo-dépendance. Problème : il n’existe à ce jour aucune étude per­mettant de démontrer l’efficacité du médicament dans cette indication et d’en évaluer les risques.

 

D’après les données de Celtipharm, une société vannetaise spécialisée dans la surveillance du marché des produits pharmaceutiques, 3,2 millions de boîtes (Lioresal et son générique) ont été vendues en pharmacie, sur la période allant de septembre 2011 à fin août 2012. Une augmentation de 43,6 % par rapport à la période allant de septembre 2008 à fin août 2009.
Nombreux utilisateurs
Sur les douze derniers mois, les ventes affichent une progression de plus de 30 %. En s’appuyant notamment sur l’observation de la codélivrance de ba­clofène avec des benzodiazépines, les auteurs de cette étude estiment qu’en­viron 45 000 patients auraient consom­mé le médicament au mois d’août der­nier, dont près de 11 000 dans le cadre d’un sevrage de la dépendance à l’al­cool.
« Si l’efficacité du baclofène dans la prise en charge de l’alcoolo-dépendance n’est pas encore dé­montrée à ce jour, de nouvelles don­nées observationnelles montrent des bénéfices cliniques chez certains pa­tients », concède l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Ses experts estiment toutefois néces­saire l’acquisition de données solides sur le profil de sécurité d’emploi du médicament. D’autant que l’Agence a récemment rapporté une augmenta­tion des signalements en provenance des centres antipoison de cas  » sé­vères » associés à la consommation du baclofène.
Dans ce contexte, le 15 novembre, l’ANSM annonçait avoir autorisé le
lancement d’un nouvel essai clinique contrôlé chez des patients dépendants à l’alcool. Cette étude s’ajoute à un premier essai initié en mai 2012 et qui porte sur des patients présentant une consommation d’alcool à haut risque.
Études attendues
« Les essais sont autorisés, certes, mais leurs résultats ne seront pas connus avant 2014 », s’insurge l’As­sociation Baclofène, qui regroupe des patients et des professionnels de san­té convaincus de l’efficacité du mé­dicament. Pour cette association, le problème n’est pas tant son utilisation massive sans études préalables que les atermoiements des pouvoirs pu­blics qui tarderaient trop à reconnaître enfin l’intérêt de la molécule dans le traitement des personnes dépen­dantes.
En attendant que ces études met­tent tout le monde d’accord, l’ANSM rappelle que, pour le moment, « le trai­tement par baclofène dans l’alcoolo-dépendance ne peut être envisagé qu’au cas par cas, prescrit et sur­veillé par des praticiens expérimen­tés dans la prise en charge de la dé­pendance à l’alcool avec une adapta­tion posologique individuelle et une surveillance rapprochée […]. »
Erwan LE FUR., Ouest-France du 7.12.2012