Quand boire devient un problème…

 champagnePompette ou « bourré », on voit la vie autrement… Mieux ? À quel prix ? Mise en garde du Pr Jean-Pol Tassin, neurobiologiste (1).

L’alcool rend heureux

VRAI et FAUX. Au début, peut-être. Non alcoolisé, le cer­veau est en permanence sous contrôle de neurotransmetteurs « rivaux » qui excitent ou inhi­bent certaines zones, pour un fonctionnement au total cohé­rent. L’alcool brouille les cartes : il donne l’impression, au moins dans une première phase, que tout est plus facile, que tout est possible ; il intervient aussi sur le « circuit de la récompense », via la libération de la dopamine, par exemple, l’euphorie créée par la première prise facilitant la seconde… Mais, usage régulier faisant, le plaisir s’émousse.

On peut s’arrêter quand on veut

FAUX. Le problème de l’addiction est que l’on n’a pas conscience de l’être, addict, c’est-à-dire de ne plus pouvoir se passer du produit, avant de tenter l’arrêt… Cela dit, il est plus facile – statistiquement – de s’arrê­ter de boire que de fumer, au moins lorsque l’usage n’est pas trop instal­lé et le cerveau point trop « rigide ». Parce que l’alcool modifie l’état de conscience, comme le cannabis. Il est plus immédiatement dangereux, à la différence de la cigarette. La preuve par les accidents de voiture.

L’alcool est une drogue

VRAI. Ce n’est certes pas la plus « dure » et il faut du temps pour ins­taller une dépendance : on ne de­vient heureusement pas dépen­dant à la première cuite. Le risque, c’est qu’une consommation régu­lière, « d’usage », soit une première étape vers l’abus et l’ivresse, puis vers l’addiction quand, moins jeune, le cerveau perd de sa plasticité. À ce stade, le plaisir disparaît, on est juste moins mal, et c’est ce soulage­ment qui est recherché.

On peut être naturellement protégé de cette dépendance à l’alcool

VRAI. Lorsqu’on ne possède pas na­turellement, dans ses gènes, les en­zymes qui dégradent l’alcool, que l’on n’est pas « haut métaboliseur », la désinhibition n’est plus forcément euphorisante. Un atout, parce que cela décourage de prendre de trop grandes quantités et d’y revenir, faute de plaisir. Cette plus ou moins grande facilité à développer une dépendance est donc en partie génétique, liée à son bagage enzymatique. Le reste dépend de ses émotions : si l’on est anxieux ou que l’on a des « difficultés de vie », les effets de l’alcool sont alors ressentis comme franchement posi­tifs : la porte ouverte à un « petit verre » quand tout paraît aller moins bien, et à l’addiction.

Dr Brigitte BLOND.

(7) Le Pr Jean-Pol Tassin est neuro­biologiste et directeur de recherche à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).

Article Ouest-France 22-23 décembre 2012