Un bonnet à électrodes pour soigner les addictions

Clémence Cabelguen, psychiatre cheffe de clinique, entourée de Anne Pichot (avec le bonnet) et Pierre Valrivière, infirmiers
Au CHU de Nantes notamment, des personnes dépendantes à l’alcool sont traitées par la stimulation électrique transcrânienne.
C’est un bonnet à trous… que l’on enfile sur sa tête. On le trouve au CAPPA du CHU de Nantes, le Centre ambulatoire pluridisciplinaire de psychiatrie et d’addictologie. Dans les trous, on place des électrodes que l’on met en contact avec les zones du cortex cérébral dont on cherche à modifier l’activité. Ce jour-là, c’est Bernard (prénom d’emprunt) qui met le bonnet. Il est dépendant à  l’alcool, et a essayé des modes de traitement plus classiques (sevrage, médicaments, psychothérapie) mais sans résultat.

Le CHU de Nantes est l’un des quinze centres qui participent à une étude coordonnée par le Pr Benoît Trojak, du CHU de Dijon. L’objectif est d’agir sur le craving, cette envie impérieuse de  consommer de l’alcool. 340 patients testent la stimulation électrique non invasive. 170 patients reçoivent le traitement actif, à raison de dix séances de 13 minutes pendant cinq jours. Les 170 autres, le placebo, sans que ni le patient ni le médecin ne sachent lequel est administré.

Le courant électrique, qui est envoyé via les électrodes, est très faible (1 à 2 milliampères) mais suffisant pour moduler l’activité du cerveau. Aucune anesthésie n’est nécessaire.

Effets secondaires réduits

« Le cerveau produit un champ électromagnétique et les neurones communiquent entre eux par des micro-signaux électriques, explique le Dr Anne Sauvaget, responsable de l’unité de neuromodulation en psychiatrie du CHU de Nantes. La tDCS (stimulation transcrânienne à courant continu direct) agit au niveau des synapses, point de jonction entre deux neurones, en modifiant la libération de composés chimiques, les neurotransmetteurs. »

Avantage de cette méthode, les effets secondaires sont très réduits. « Il peut y avoir une sensation de picotement du cuir chevelu, de chaleur ou une rougeur au-dessous des deux électrodes. Certains patients nous rapportent des maux de tête au moment des séances ou un sentiment de fatigue en fin de journée. Ces effets secondaires sont de faible intensité et entièrement régressifs après les séances », témoigne le Dr Clémence Cabeguen, cheffe de clinique de l’unité neuromodulation en psychiatrie.

Avec cette méthode, « l’objectif n’est pas de supprimer totalement la consommation d’alcool mais de la diminuer. On ne recherche pas l’abstinence totale. »

Au niveau mondial, d’autres études sont menées pour mesurer l’efficacité de la neuro-stimulation contre d’autres dépendances : tabac, canabis, cocaïne, crack, héroïne. « Il y a aussi des travaux sur les addictions comportementales, le jeu, Ies conduites alimentaires (anorexie ou boulimie) », complète le Dr Anne Sauvaget.

À chaque fois, il s’agit de régu1er la production de la dopamine, la « molécule de la récompense », au niveau du cortex frontal. En quelque sorte, cela permet de calmer le cerveau quand il est surexcité.

Au niveau du CHU de Nantes des études sont en cours pour évaluer l’efficacité de la tDCS dans les troubles obsessionnels-compusifs (Toc) et le stress post-traumatique

Philippe GAMBERT  (Ouest-France 12/03/2018)