Contre l’alcoolisme, boire moins avant de s’abstenir

Nouvelle approche médicale. En cas d’alcoolo-dépendance, le sevrage puis l’abstinence ne sont plus forcément le traitement imposé. Une moindre consommation peut être une première étape. La recommandation émane de la Fédération française d’addictologie (FFA). Appelée « réduction des risques et des dommages », cette démarche se veut « pragmatique et gradualiste », précise le professeur Amine Benyamina, psychiatre et président de la FFA. Une personne alcoolo-dépendante ne passera plus nécessairement par un sevrage thérapeutique. L’objectif restera l’abstinence mais une moindre consommation peut d’abord être préconisée.

« Si une personne me dit « Je bois moins, je me sens mieux et je m’occupe mieux de ma famille », elle est dans la bonne démarche », estime le Pr Amine Benyamina. Il part d’un constat : « Nous avons été élevés avec le concept qu’il n’y a point de salut sans abstinence. C’est un vœu pieux. Résultat : neuf personnes sur dix ayant une dépendance vis-à-vis de l’alcool n’entrent pas dans une démarche de soins. »

Cette approche est pratiquée depuis plusieurs années déjà par le service d’addictologie du CFIU de Caen, dirigé par le professeur François Vabret. Mais ce ne fut pas sans mal : « Longtemps, la seule issue fut l’abstinence. « Le premier verre, c’est la rechute », martelaient des médecins et des associations de soutien aux buveurs. Ce schéma radical excluait des patients qui jugeaient ce but inaccessible. »

« Une bonne démarche »

Le CFIU de Caen suit 3 500 patients par an en addictologie. Le recours à l’abstinence concerne 10 % d’entre eux. Ces cas les plus graves – cirrhoses alcooliques, troubles psychiatriques… – nécessitent une hospitalisation. Pour les autres, la psychothérapie demeure essentielle : « Elle compte pour les deux tiers de la réussite, et les médicaments pour un tiers », note le Pr Vabret.

La Haute autorité de santé (HAS) approuve la » réduction des risques et des dommages ». « C’est une bonne démarche. Le patient est associé au traitement. On prend en compte sa volonté », estime le Dr Michel Laurence, chef du service des bonnes pratiques professionnelles.

Cette nouvelle approche permettra-t-elle de soigner davantage d’alcoolo-dépendants et de réduire les coûts causés par l’alcoolisme ? En France, l’alcool est responsable de la mort de 49 000 personnes par an. Il a engendré, en 2012, près de 581 000 séjours hospitaliers dans des services de médecine et chirurgie et plus de 2,7 millions de journées en psychiatrie. Soit un coût médical de 2,6 milliards d’euros en 2012.

 « Pour mesurer les effets de cette nouvelle démarche, il faudra toutefois des années », note-t-on à la HAS.

Pierrick BAUDAIS et Colette DAVID  (Ouest-France, 27/05/2016)

A noter que VIE LIBRE est pour l’abstinence absolue (qui malgré tout a fait ses preuves , malgré l’inconvénient des rechutes)