Ignatia Gavin, l’ange de l’espoir des Alcooliques anonymes

Dans les années 1930, la création des Alcooliques anonymes a révolutionné la perception de l’alcoolisme dans le monde. Mais peu savent que ce programme doit en partie son existence à l’abnégation de sœur Ignatia Gavin (1889-1966). Cette religieuse américaine a lutté toute sa vie pour faire admettre les alcooliques dans les hôpitaux.

Aleteia Aliénor Goudet – published on 24/11/21

1935, Ohio, États-Unis. Sœur Ignatia Gavin sort enfin du bureau de la mère supérieure. Le lourd soupir qui lui échappe résonne dans les couloirs de l’hôpital Saint-Thomas à Akron. Pour la troisième fois ce mois-ci, la religieuse s’est faite reprendre pour avoir soigné un alcoolique à l’hôpital. 

La médecine ne reconnaît pas les alcooliques comme des malades à part entière. Pratiquement aucun hôpital ne les accueille. Et lorsqu’ils présentent un delirium tremens, un état de délire effrayant, ils sont vite relégués à l’asile psychiatrique. Ils n’ont pas leur place parmi les patients. Et après tout, n’ont-ils pas choisi de s’abandonner à l’alcool ?

La cause des alcooliques

Depuis la fondation de l’hôpital en 1928, Ignatia travaille au bureau des admissions. Comme l’institut est gérée par sa congrégation, elle pense pouvoir enfin aider les sujets aux addictions de toute sortes. Mais même ses sœurs augustiniennes lui reprochent de gaspiller les ressources de l’hôpital pour s’occuper des alcooliques.

Ignatia songe à Andy. C’est un ouvrier de 40 ans qui a perdu son épouse l’hiver dernier. Depuis, il noie son chagrin dans la boisson. Et aujourd’hui, son fils l’a emmené à Saint-Thomas en pleine crise. Ignatia n’a pu se résoudre à l’envoyer à l’asile. Comment abandonner ses pauvres gens à la prison de leur malheur ? Ils se réfugient dans l’alcool jusqu’à détruire leurs corps et leurs âmes. Et les hôpitaux ne les acceptent que lorsque le corps est trop endommagé. 

P– Sœur Ignatia, dit une infirmière qui vient à sa rencontre. Le docteur Smith voudrait vous voir. 

Le docteur Robert H. Smith, dit docteur Bob, est un homme grand au regard sévère. C’est l’un des rares alliés de sœur Ignatia dans son combat. Alcoolique lui-même, cela fait plusieurs années qu’il tente d’échapper à son addiction. Les deux amis échangent souvent sur ce mal.

L’ange de l’espoir

Aujourd’hui, un éclat d’enthousiasme brille dans les yeux du chirurgien. Dans ce regard, sœur Ignatia devine que quelque chose de grand se prépare. Docteur Bob lui parle de son ami, William Wilson dit Bill W. Après de longues années d’alcoolisme, ce dernier dit avoir fait une expérience mystique qui l’a non seulement converti, mais aussi guéri de son affliction.

Ignatia ne se fait pas prier. Cette même année, Saint-Thomas admet officiellement son premier patient alcoolique. Grâce à Smith et Wilson, Ignatia ouvre un centre pour accueillir les alcooliques à Akron. S’inspirant des pensées de saint Ignace de Loyola, elle prend soin de la santé et de l’âme de ses patients. 

Par sa bienveillance et son humilité, elle est appelée « l’ange de l’espoir ». De nombreux patients se convertissent, touchés par la foi et la bonté d’Ignatia. C’est elle également qui découvre les bienfaits du café dans le traitement des patients.

Smith et Wilson sont aujourd’hui reconnus comme les fondateurs des Alcooliques anonymes. Mais on estime que sœur Ignatia s’est occupée à elle seule de plus de 15.000 alcooliques. Elle rend l’âme en 1966. Une source anonyme dira d’elle : « Si l’Église catholique ne la canonise pas, les protestants feront d’elle une sainte.